14- Du local au Global

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Et pouvons-nous nous passer de la réflexion de Laurent GERVEREAU sur le local-global ?

Laurent GERVEREAU: artiste, écrivain et philosophe né en France en 1956, a consacré sa vie professionnelle à la recherche sur le monde des images en fondant une discipline (l’histoire du visuel ou « histiconologia ») et à la direction d’institutions patrimoniales et de réseaux internationaux. Au-delà des religions et des idéologies, la relativité comme nouvelle conception évolutive de l’espace et du temps : rétro-futuro et local-global. Le retour au local impose à l’individu une réflexion sur ses choix. Il est désormais souvent traversé d’influences hybrides. Parfois, il participe d’une conception collective de la société, dont il accepte toutes les implications. Le phénomène inédit réside dans la diffusion massive de produits partout, dans le fait d’ériger en but de félicité la surconsommation occidentale. Le comparatisme devient donc nécessaire et les exemples à suivre peuvent venir de minuscules peuplades. Un dialogue géant s’ouvre dans ce terrain d’expérimentation où nous devons échapper au pire : l’épuisement des ressources naturelles, les pollutions galopantes, les guerres toutes civiles et fratricides, et l’échec moral gigantesque de populations déboussolées et déprimées surconsommant aveuglément. La faillite morale et matérielle est globale et individuelle, les solutions sont locales et globales. Et l’intérêt général devient SOCIOENVIRO. Il est temps en effet de comprendre la nécessité des équilibres sociaux, du micro-quartier aux continents. Tout autre modèle se révèle d’ailleurs contreproductif et explosif (voir les efforts de rééquilibrages actuels en Chine). Mais les périls environnementaux –de nature mondiale—ne s’arrêteront à aucune frontière. Donc, l’électoralisme à courte vue pensant que l’écologie est un luxe de nantis va vite devenir un crime clair, car ce sont les plus pauvres et fragiles qui souffriront en premier des dommages. Il est urgent alors de comprendre que l’équilibre social passe aussi par la préservation environnementale (et que le système électoral a comme conséquence politique ou syndicale un grand conservatisme, allant parfois jusqu’à l’aveuglement suicidaire). Local-global, le combat planétaire devrait être SOCIOENVIRO.

Pourquoi ne pas laisser faire et choisir des myriades de petites structures aux organisations différentes et évolutives, expérimentales ? Pourquoi ne pas comprendre la nécessité d’une fédération planétaire relevant de toutes ces structures et apportant des règles consenties de base en liaison avec la perpétuation collective ? Etre plurofuturo, c’est comprendre que sa conception du monde (expérimentale, évolutive, fondée sur la raison, l’intérêt personnel et collectif), si intelligente soit-elle, ne peut et ne doit pas s’imposer à tout le monde. Si telle ou tel ont besoin d’une autre lecture et d’un menu écrit pour se comporter, pourquoi pas ? C’est leur droit, tant qu’ils ne veulent pas obliger les habitants de la planète à l’adopter. Devenir plurofuturo, c’est donc accepter les conséquences de la relativité, partir d’un principe d’équivalence pour choisir et défendre l’exigence ; se donner des buts pour se transformer et transformer son environnement, en gardant et en changeant, tout en sachant que tout résultat supposera de bouger encore ; défendre son épanouissement en comprenant qu’il passe par une intervention sur le contexte proche ou lointain ; refuser toute attitude de nature religieuse, toute croyance non vérifiée et débattue, et -au nom précisément de cela–, accepter les religions, les folies.

La grande révolution à venir est en fait le réveil des individus en  réseau prenant conscience de leur pouvoir sur le « visible », sur leur environnement immédiat. Le niveau local devient l’enjeu fondamental du monde à venir, pas un local fermé sur lui-même et émietté mais un local en dialogue mondial constant : localglobal ou micro-macro. Les Etats doivent négocier des pactes planétaires minimaux. Et les individus inventent leurs comportements : veut-on vivre et bâtir à Limoges comme à Lyon, à Pointe-à-Pitre comme à Casablanca ? L’écologie culturelle n’est pas une défense figée du passé folklorique mais la volonté de vivifier la diversité en permettant la diversification de la diversité sous impulsions individuelles. Nous passons de la société du spectacle (ère de la télévision) aux sociétés des spectateurs-acteurs (temps d’Internet). Nos actes d’achat comme notre capacité d’informer changent totalement le paysage, dès lors que chacune ou chacun a compris son pouvoir. Acheter des pommes ou des soutiens-gorge de proximité pour défendre des emplois, une qualité particulière et des savoir-faire a des conséquences directes : consommateurs-acteurs. Alerter sur des censures, des comportements non-éthiques, appeler à des boycotts, créer une démocratie directe salutaire et faire exploser la structure de l’offre d’informations avec des multi-regards. L’économie est une technique. Nous avons inversé les priorités en mettant les techniciens comme décideurs : la maison doit être construite sous les ordres de l’architecte, pas du plombier. Il faut remettre l’économie sous la volonté politique. Cela permettra de trouver des solutions innovantes, de cesser le faux débat croissance/décroissance pour insister sur des croissances diversifiées, la vitalité de micro-marchés. Il faut aussi comprendre que la séparation travail-loisir n’est pas une  dichotomie Enfer-Paradis, car le travail doit permettre la valorisation individuelle : chantier prioritaire pour les syndicats. Alors, partout où on voudra nous bourrer le crâne avec des slogans pour citoyens passifs tels que « sécurité, crise, peur »,  nous répondrons « justice, proximité, durabilité », en défendant l’innovation contre tous les torticolis rétros. On aime là où on vit. Répétons-le. La fierté locale  est une chose nécessaire et à défendre. C’est la dimension maudite des sociétés contemporaines. Comme si sa seule évocation était une défense automatique de la pensée réactionnaire. Nous avons des attachements locaux et nous avons besoin d’attachements locaux. C’est la dimension indispensable aujourd’hui d’écologie culturelle. Tout le monde comprend qu’il importe de défendre la biodiversité. De la même manière, la culturodiversité est vitale. Et ce n’est nullement un but folklorique et nostalgique.

Le retour au local, (« j’aime où je vis ! »), forme alors l’enjeu central de débats idéologiques de demain. Un retour réactionnaire ou un retour tourné vers le futur. Voilà le terrain politique à occuper pour briser la séparation totale entre les citoyens et le choix de leur vivre-en-commun.

 Suite….

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