17- Le partage du travail


Pierre jc ALLARD nous expose ce problème : Pierre jc ALLARD:Avocat (1957), économiste (1965). Premier directeur général de la Main-d’oeuvre au gouvernement du Québec, directeur général de l’Institut de Recherches et de Normalisation Économique et Scientifique (IRNES) et vice-président adjoint (Finance/Administration) du Groupe SNC. Vice-président aux Affaires internationales de la Société d’Exploitation des Ressources Éducatives du Québec (SEREQ). Collaborateur aux travaux du Conseil Scientifique de l’Évaluation (Paris).
une façon de travailler moins. C’est le travail qui crée la richesse, et une société où l’on travaille moins est une société qui s’appauvrit. Il s’agit de travailler plus et de travailler mieux. Travailler plus, globalement, parce que le travail partagé fait que l’on travaille tous. On réintègre les chômeurs, les assistés sociaux et les décrocheurs (ceux qui cessent de participer, les “déserteurs par résignation” de la population active). L’apport productif de ces gens que l’on remet au travail est un gain net pour la société, laquelle les entretient aujourd’hui sans compensation, dans la mesure où ce qu’ils produiront vaudra plus que la différence entre les prestations qu’ils touchent présentement et les salaires qu’ils gagneront. Il n’y a rien là que d’enrichissant. Travailler mieux, parce que l’objectif du travail partagé est aussi de libérer une part croissante de la population active d’une partie de ses tâches salariées – lesquelles sont de moins en moins adaptées à nos vrais besoins – pour lui permettre de faire un travail de créativité, d’initiative et de relations humaines pour lequel il y a une demande effective. En libérant peu à peu le travailleur du salariat, tout en garantissant son revenu, par des réductions progressives du temps de travail dans la structure des emplois, on lui permet de se recycler sans heurts dans l’encadrement plus motivant du travail autonome et de produire des services mieux adaptés à la demande actuelle. On a donc tout à fait tort, quand on réclame une équivalence entre la réduction du travail salarié et le nombre d’emplois créés. C’est là, justement, ce que l’on ne veut pas! Ce qu’on veut, c’est un travailleur libéré des heures salariées et qui devienne productif hors de la structure des emplois. Productif immédiatement – ou à terme, s’il doit être recyclé – mais productif comme travailleur autonome dans des activités non-programmables qui correspondent vraiment à la demande, le critère incontournable de son utilité étant que, s’il en tire un revenu par ses propres moyens, il y a une demande effective pour le service qu’il offre. Le partage du travail ne prend sa vraie dimension et ne devient une solution valable à nos problèmes que quand on cesse de le définir de manière simpliste comme une réduction du travail en général, pour préciser qu’il ne s’agit d’une réduction progressive que du travail salarié, cette réduction permettant une redistribution de la charge de travail et une réaffectation des efforts de production hors de la structure traditionnelle des emplois. Celui dont la semaine de travail salarié passe de 40 à 30 heures – (ou de 35 à 32, comme on le souhaite actuellement en France) – ne reçoit pas un “ticket pour la plage”. On s’attend de lui, au contraire, à ce qu’il contribue encore plus de travail à la société. Sous la forme, d’abord, d’un emploi à temps plus ou moins complet en échange d’un salaire garanti; sous la forme, ensuite, durant la partie de son temps dont il a été libéré par le partage du travail , d’un effort d’apprentissage ou d’un travail en parallèle comme travailleur autonome. C’est cette double approche qui permet de financer la transition. Le travailleur a son revenu garanti en échange d’un emploi; c’est la responsabilité absolue de l’État de lui procurer cet emploi. Il développe
simultanément une compétence supplémentaire et en tire, en parallèle, un revenu comme travailleur autonome. Un revenu à la mesure de son travail, de son talent et de son ambition, ce qui est tout à fait dans la ligne de la philosophie économique actuelle. Quand la solidarité le sous-tend au palier des besoins essentiels et qu’il offre à chacun une chance égale de réussir en fonction de ses efforts, le système de libre entreprise dans un contexte d’économie sociale et solidaire est sans doute le meilleur des systèmes économiques.
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