L’idée de progrès, telle qu’elle a été formulée à partir de Condorcet, a été conçue comme une loi historique, mécanique et indéfinie du devenir humain. Sur le plan moral, cette idée est malheureusement fausse. Au XIXe siècle, tous les États européens avaient interdit la torture. Au XXe siècle, elle fut réintroduite par toutes les nations, y compris par la France lors de la guerre d’Algérie.
Mais l’idée de progrès ne doit pas être abandonnée. Ce qu’il faut abandonner, c’est le déterminisme du progrès, ce qu’il faut conserver c’est la possibilité de progrès. Ainsi les Lumières doivent être dépassées au sens hégélien du terme, c’est-à-dire conservées. Ce qui doit être dépassé, c’est la raison close, fermée sur elle-même. La raison pure n’existe pas. Comme nous le montre un neurologue tel qu’Antonio Damasio, la raison comporte toujours du sentiment. Il nous faut aujourd’hui combiner le romantisme et les Lumières, afin qu’il n’y ait pas de passion sans raison, ni de raison sans passion. Il faut relier l’esprit critique et autocritique des Lumières au sentiment de la nature. Je suis d’accord avec les principes du « pacte écologique ».
Nous avons un problème de vie en société. Regardez le nombre de psychotropes et d’anxiolytiques que nous absorbons. Les Français traitent de manière individuelle et personnelle un mal-être existentiel qui est aussi un malaise commun. D’où le recours de plus en plus grand aux sagesses orientales, au yoga, au bouddhisme zen, et au grand marché de la réalisation de soi. D’où la recherche de spiritualité, l’appel à la psychanalyse et au-delà à la philosophie. Nous nous ruons sur les vacances, le départ, l’exotisme, et, dans le loisir, nous nous déguisons en faux primitifs, en faux paysans. Nous aspirons obscurément à fuir la vie du métro-boulot-dodo qui obéit à la logique déterministe, chronométrique, hyperspécialisée de la machine artificielle de nos usines et bureaux. Experts et « éconocrates » nous traitent comme des machines triviales c’est-à-dire strictement déterministes, alors que la part non triviale en nous, celle du vouloir vivre, aimer, communier, nous réaliser, échappe à cette logique.
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Le pacte écologique n’a de sens qu’à condition de sortir de cette logique et d’être complété par un pacte politique. Pour ne pas aller dans le mur, comme vous dites, nous avons besoin d’une politique que j’ai appelée « politique de l’homme » et que je complète par une politique de civilisation.
Ce collège a pour rôle de mettre en oeuvre “la Méthode” d’Edgar Morin pour la conduite de l’interdisciplinarité des travaux au sein de l’université populaire et la mise en oeuvre des sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur pour une Conscience planétaire et une Politique de civilisation.
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Ce colllège peut recourir à la pensée de gilles DELEUZE Gilles Deleuze est un philosophe français né à Paris le 18 janvier 1925 et mort à Paris le 4 novembre 1995. Des années 1960 jusqu’à sa mort, Deleuze écrit de nombreuses œuvres philosophiques très influentes, notamment sur la philosophie elle-même, la littérature, le cinéma et la peinture. Dans la théorie philosophique de Gilles Deleuze et Félix Guattari, un rhizome est un modèle descriptif et épistémologique dans lequel l’organisation des éléments ne suit pas une ligne de subordination hiérarchique avec une base, ou une racine, prenant origine de plusieurs branchements, selon le modèle de l’Arbre de Porphyre—, mais où, tout élément peut affecter ou influencer tout autre. Ce qui s’affirme comme élément de niveau supérieur est, en vérité, nécessairement subordonné, mais non l’inverse; dans un modèle rhizomatique, tout attribut affirmé d’un élément peut influencer la conception des autres éléments de la structure, peu importe sa position réciproque. Le rhizome n’a, par conséquent, pas de centre, une caractéristique qui le rend particulièrement intéressant pour la philosophie des sciences, la philosophie sociale, la sémiotique et la théorie de la communication contemporaines.
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Sur la fin de sa vie, Deleuze esquisse le prolongement d’une idée de Foucault qui envisageait la fin des sociétés disciplinaires. “Le contrôle est à court terme et à rotation rapide, mais aussi continu et illimité, tandis que la discipline était de longue durée, infinie et discontinue. L’homme n’est plus l’homme enfermé, mais l’homme endetté.”
Ce collège étudie aussi la pensée de Paul-Michel Foucault, le nomade du savoir… Paul-Michel Foucault, né le 15 octobre 1926 à Poitiers et mort le 25 juin 1984 à Paris, est un philosophe français dont le travail porte sur les rapports entre pouvoir et savoir. L’une des thèses les plus fortes de Foucault est que l’augmentation et la généralisation des libertés dans la Modernité se sont fondées sur un régime disciplinaire et une normalisation (le « principe d’une homogénéité de la réaction sociale ») qui sont restés pendant des siècles presque « invisibles » pour la théorie.