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La démocratie directe
Les pays occidentaux vantent leur modèle de « démocratie » et le présentent comme un aboutissement des idéaux humanistes. Mais soyons clairs : notre « démocratie » n’est qu’une démocratie représentative, loin du « pouvoir du peuple » que devrait pourtant désigner son étymologie même. Castoriadis l’explique à travers sa critique de la représentation. « La représentation est (…) un principe étranger à la démocratie, car dès qu’il y a des « représentants » permanents, l’autorité, l’activité et l’initiative politiques sont enlevées au corps des citoyens pour être remises au corps restreint des « représentants », qui en usent alors à leur convenance et en fonction de leurs intérêts. ».
« Le refus de la représentation, qui est inévitablement aliénation (transfert de la propriété) de la souveraineté, des représentés vers les représentants », est lié au refus de la division du travail politique : Castoriadis critique « la division fixe et stable de la société politique entre dirigeants et exécutants, l’existence d’une catégorie d’individus dont le rôle, le métier, l’intérêt est de diriger les autres ». Il affirme « le refus de toute science politique détenue par des spécialistes, (…) dont la revendication est profondément liée à l’idée d’une maîtrise et d’une conduite technocratique de la société ». Il remet donc en question toute organisation politique basée sur ce principe de représentation, y compris dans le mouvement ouvrier, et rejette les partis : le parti est pour lui une « institution de nature essentiellement bureaucratique, où le pouvoir est exercé par une structure hiérarchique auto-cooptée, et qui n’est pas la seule forme d’expression concevable du pluralisme des opinions, qu’elle aurait plutôt tendance à étouffer et rigidifier ».
Face à notre modèle de démocratie représentative, Castoriadis propose celui de démocratie directe, « que caractérisent trois traits essentiels : le peuple par opposition aux « représentants », le peuple par opposition aux « experts », la communauté par opposition à « l’Etat ». ». Dans la démocratie directe, selon le principe d’autonomie, chaque loi est décidée directement et collectivement par toutes les personnes auxquelles elle s’applique, « en sorte que l’individu puisse dire, « réflexivement et lucidement, que cette loi est aussi la sienne ». L’autonomie suppose donc « un état dans lequel la question de la validité de la loi reste en permanence ouverte. ». C’est ce questionnement politique même, collectif, lucide, délibéré et continuel, qui importe : Castoriadis l’associe à la philosophie et à « la vérité comme mouvement interminable de la pensée mettant constamment à l’épreuve ses bornes et se retournant sur elle-même (réflexivité) ».
Pour mettre en place la démocratie directe, il nous faudra bien sûr abandonner la démocratie actuelle et changer nos institutions, mais il faudra aussi et surtout changer les mentalités. « Si [les citoyens] ne sont pas capables de gouverner – ce qui reste à prouver -, c’est que « toute la vie politique vise précisément à le leur désapprendre, à les convaincre qu’il y a des experts à qui il faut confier les affaires. Il y a donc une contre-éducation politique. Alors que les gens devraient s’habituer à exercer toutes sortes de responsabilités et à prendre des initiatives, ils s’habituent à suivre ou à voter pour des options que d’autres leur présentent. Et comme les gens sont loin d’être idiots, le résultat, c’est qu’ils y croient de moins en moins et qu’ils deviennent cyniques (…) Les institutions actuelles repoussent, éloignent, dissuadent les gens de participer aux affaires ». »
Les humains doivent cesser de considérer la politique comme un domaine séparé et spécialisé, et doivent apprendre à la voir « comme un travail concernant tous les membres de la collectivité concernée, présupposant l’égalité de tous et visant à la rendre effective »
Pour une république ouverte: http://droitdevote2014.org//petition/
Entre pédagogie politique et démagogie populiste: http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article
source: http://infokiosques.net/imprimersans2.php3?id_article=156